Aujourd'hui, en mon âme et conscience, je me pose en juge.
Immortel entre les bornes d'une vie
je m'octroie ce droit
Un jugement premier

Il n'y a rien à craindre
Notre voie est celle du complexe, balisée de hasards
Insectes punaisés sur la vieille croûte
Par la grande aiguille verticale, entre zénith et nadir
Rien à craindre
Juste l'univers qui implose et grave des frontières à l'infini
La Terre me tourne

Pour rétablir un semblant d'équilibre
J'ôte jusqu'au bandeau d'équité
Je choisis de pencher la balance tout entière
Les deux plateaux du même côté

J'ai perdu ma Pangée dans la tectonique de mes plaques
Pour assembler ce puzzle immense que je suis
Dispersé aux quatre coins de ma sphère
Je m'élève et je vois
Je vois l'animal survivant
Dans ma grotte d'obscurité reptilienne.
Dominé
Dominant
Mâle , femelle, je m'adapte
Petit, tout petit, fils de Darwin
Oh, bien éduqué
Je m'adapte

Rien à craindre ?

Je récolte les données, j'assemble les morceaux
Mais il manque une pièce de l'ensemble
Mon chaînon manquant
Celui qui a transcendé pour moi l'instinct
Et parvenu à la conscience d'être
Le géant qui me porte sur ses épaules
Et soulève mon horizon de nain au-dessus du sien .
Nains vous dis-je, nains de la pensée
Handicapés du rêve et des bonheurs simples
Révisionnistes de l'enfance
Je nous condamne au silence de la honte

Une flamme vive se consume sous la lave
Se refroidit , s'endurcit pour garder enfin la raideur
Adulte
Sous la gangue glacée.

Alors, au-dessus des strates figées de la ville d'autrefois
L'homme bâtit son unique édifice d'homme
Tendu vers le ciel pour y trouver la trace d'un père fier de l'ouvrage.
Il garde en lui le souvenir des ruelles sous la cendre
Mais l'âme s'est muée en fumée, évaporée, dispersée.

Torturés par les soubresauts du fossile qui végète en eux
Quelques uns endossent le costume de la taupe
Chaussent leurs doigts d'autant de pioches.
Ils minent le sol durci d'innombrables galeries
Au point de faire trembler l'édifice solitaire
Le faire vaciller et puis s'écrouler d'un seul tenant
Briser l'illusoire harmonie et laisser l'alternative
Savoir ou méconnaitre.

Ils ne cherchent pas la ville cristallisée
Ils veulent tout refaire
Tout
Ne pas faire resurgir les ruines, mais s'en inspirer.
Oublier l'unique, l'immense
L'impossible Babel
Qui illumine le peu d'obscurité qui subsistait
Et reconstruire de toutes petites choses
De minuscules cathédrales à la gloire de trois fois rien.
Quelques cahutes improvisées en cités aléatoires
Pour accueillir la cour des miracles de nos âmes
Constellées d'invisibles stigmates.

L'architecte savait ce rêve
Nous avons cru grandir en l'oubliant
Nous acharnant vers d'inutiles hauteurs

Aujourd'hui je nous condamne aux travaux forcés de l'humilité,
apprenons ensemble, ou laissez moi à présent
J'ai fini de juger

Je commence à creuser.