jean-roch |  | | messages : 3148
Inscrit(e) : août 2004 Situation géographique : Dunkerque Métier : instit en CP |     
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(Neuvième épisode, bientôt la fin...)
Vous savez, ce n'est pas facile, quand on a tant de bonnes choses devant soi, d'observer correctement les gens et d'essayer de rendre un portrait fidèle. La réciproque est vraie : ce n'est pas facile, quand on a tant de gens charmants face à soi, de se rendre compte exactement de ce que l'on mange.
J'attrape au vol, entre deux bouchées et trois observations, quelques bribes de conversation : Armelle nous donne par exemple ses secrets pour mettre son pâté de foie dans des boîtes scellées (elle nous apprend notamment qu'il y a un gars qui passe sa vie, dans son patelin, à mettre du pâté dans des boîtes, et à les souder méticuleusement pour en faire profiter tous les pique-niqueurs de France et de Navarre... surtout de France, d'ailleurs. Quel beau métier ! Si un jour j'en ai marre d'écrire et de faire écrire mes élèves, je me ferai fermeur de boîtes... Bien qu'à la réflexion, ouvrir les boîtes et les vider est une belle vocation également. Mais pour être videur de boîte, je n'ai malheureusement pas le gabarit).
Dites... Surtout, si je fais de trop longues digressions, n'hésitez pas à m'arrêter. Je vois des gens très polis qui disent : "oh oui, vivement le prochain épisode"... mais je vois bien derrière ces mots une pensée bien perfide "dépêche-toi d'en finir qu'on puisse épingler un autre sujet sur le forum de la récré...". Je suis assez d'accord avec cette perfidie, car franchement, c'est pas facile quand vous rentrez à minuit chez vous de vous faire taper sur les doigts par des inconnues sur Internet qui vous reprochent de ne pas écrire plus vite. Ah, oui, un jour je vous parlerai aussi de ma dure vie de Jr sur ce monde virtuel...
Je parlais donc, avant de vous entraîner sur des chemins détournés, des discussions qui s'échangeaient autour de moi (pour ma part, j'avais choisi le silence, car comme chacun le sait, c'est la meilleure façon d'entendre les autres, certes, mais aussi de laisser parler les femmes... Willy et Jacky confirmeront, et Mam dira encore que j'ai raison mais que j'exagère).
Je ne redoutais qu'une chose ; que tout le monde se mette à parler de la rentrée, des progressions, des inspections, des orientations éducatives, des évaluations... bref de tous ces mots que j'ai bannis de mon vocabulaire jusqu'au 2 septembre. Figurez-vous qu'il n'en fut rien : j'avais beau tendre l'oreille, très peu de mots interdits se dégageaient des bavardages. Ah si, quand même, y'avait la Sally qui répétait toutes les heures : "ah, plus que 2 semaines de vacances". Elle est astucieuse la Sally, le mot "vacances" n'étant pas exclu de mon lexique d'aoûtien, je ne pouvais rien dire...
On se croiyait sur le "Bavardage" du forum, c'est amusant, car les discussions se croisaient, et il fallait saisir au vol les questions et les réponses pour y comprendre quelque chose :
- "ils viennent d'où tes melons ?"
- "ça vient de chez Pimkie, c'est chouette non ?"
- "Pas trop dur la traversée de Paris en métro ?"
- "C'est Jr qui conduisait, faut s'accrocher..."
- "Dommage que béa ne soit pas là !"
- "Elle faisait la sorcière face à des morts-vivants"...
- "Ils sont sympas ces T-shirt"
- "Ils sont tous frais et sentent le sud !"
- "T'aimes bien conduire dans Paris ?"
- "Les couloirs sont trop longs, et il fait noir"
- "Et Mam, elle avait un rôle à jouer dans les bois ?"
- "Oui, mais elle doit se reposer en vacances...".
Les esprits vifs, parmi lesquels je compte les enseignants habitués aux phrases à relier ou aux compréhensions de textes, auront facilement associé les questions et les réponses des uns et des autres. Pour ma part, j'ai du faire ça le soir, de retour chez moi, pour enfin mettre du sens à tout le charabia de l'après-midi. Oh si, quand même, j'ai compris une chose : "qui veut du dessert ?".
Bien sûr, avant de passer au dessert, il faut que je vous présente les dernières personnalités qui formaient le cercle des cartabliens, et non les moindres. La première d'entre elles se remarque souvent au détour des rues de sa région, fière et sportive sur sa monture vélocipédique : vous l'avez déjà reconnue, il s'agit bien sûr de Valé. ValÉ dis-je, et non pas Val' comme je l'ai si souvent prononcé. Cette erreur grossière provient juste de quelques maladresses des premiers informaticiens qui n'ont pas pensé dans leurs codes hexadécimaux et dans leurs tableaux ASCII qu'il serait peut-être judicieux de prendre en compte les accents. Rassurez-vous, je ne m'y connais pas plus que vous en codage de caractères, mais à l'oral, les accents sont aussi faciles à prononcer que les voyelles non accentuées. J'ai donc choisi d'utiliser les accents dans mon récit.
Notre Valé, grande modératrice à laquelle je réitère vénération et respect, avait apporté avec elle sa bonne humeur, mais pas son vélo (bien que certains ont cru l'apercevoir au détour de quelques photos... Je vous préviens de suite, vous êtes dans l'erreur, puisque Valé était venue accompagnée, et c'eût donc été un tandem qu'il aurait fallu trouver sur ces images !).
Cette compagne de Valé accompagnée (admirez l'alexandrin), c'était Christelle, venue avec son B, mais sans sa belle-mère. C'est toujours surprenant, lorsqu'on associe une personne à une autre chose, de la voir arriver seule. Imaginez-vous voir Laurel sans son Hardi ? Voir Aurore sans ses melons ? Voir un canard sans son bec (ce serait certainement très désagréable à observer) ? Voir mon voisin de palier sans sa moustache (pour information à mes lecteurs, mon voisin de palier porte une moustache sous son nez, juste au-dessus de ses lèvres supérieures) ? Tout cela serait bien surprenant, n'est-ce pas ?! Eh bien j'ai eu le même choc émotionnel lorsque j'ai appris que la belle-mère de Christelle ne la suivait pas dans tous ses déplacements. Moi qui me faisais une joie de pouvoir mettre deux visages sur un nom, je dus me résoudre à ne pas poser de question, puisque "belle-mère" avait été banni du vocabulaire de Christelle (j'ignore si c'était juste pour la période des vacances, mais je respecte... Si belle-mère sonne chez elle comme inspectrice sonne chez moi, c'est compréhensible).
Je ris sous ma moustache (que j'ai rasée ce matin) en pensant à ceux qui ont trop vite lu ma phrase précédente, et qui pensent que mon inspectrice vient sonner chez moi... Cela pourrait à la rigueur se produire si elle était mariée à mon voisin à moustache et qu'il lui manquait un peu de beurre pour faire sa pâte à crêpes, mais avouez que ça fait beaucoup d'inconnues dans une seule équation. Surtout que j'ignore si le beurre est un composant essentiel de ce mets que j'affectionne particulièrement).
Admirez la transition habile, je passe de la crêpe au dessert. Ah, j'avais justement gardé Siou, me semble-t-il, pour le dessert... Figurez-vous qu'elle nous a préparé des petites choses très sympathiques : il s'agit de minuscules charlottes aux pommes, mais sans pomme, et sans charlotte... En gros, si j'ai bien compris la recette (j'ai pas beaucoup l'habitude d'écouter les conversations culinaires de mes collègues, assez rares au demeurant... pas les collègues rares, les conversations, mais vous commencez à me connaître, vous l'aviez compris...)... en gros disais-je, il faut préparer une pâte dont la recette se tient secrète depuis la nuit des temps, transmise de mère en fille (car de père en fils, ça risque de se déformer), pâte secrète qui est versée dans des moules de forme inconnue, par des grands-mères anonymes (les mamans des mère citées plus haut). Cela se passe bien sûr dans de sombres officines au fin fond de certaines ruelles peu recommandables de Bordeaux (il faut y faire attention aux pilleurs de spécialités).
Les lignes qui vont suivre, en aucun cas, ne doivent être divulguées, sauf si par chance, vous êtes la fille de votre mère (si vous êtes un fils, inutile de lire, il suffit de se marier à une bordelaise pour pouvoir un jour espérer goûter le fruit de cette douce alchimie que je vous livre ici). Ainsi, je puis vous dire, oh filles de vos mères qui me lisez, que les moules (pas les fruits de mer, hein...) dans lesquels on a versé généreusement la pâte, sont mis au four très très très chaud, à thermostat élevé, et que toute la qualité se trouve dans la rapidité que Siou (entre autres mères) met à retirer la préparation du four dantesque pour la glisser subrepticement dans un four beaucoup plus tiède !
Le résultat s'appelle un cannelé (nom masculin, pl. : des cannelés). Encore une fois cette règle idiote aux yeux de certaines : ce sont les femmes, filles ou mères, qui se tapent toute la préparation, et à la fin, ça devient masculin... Eh oui, certainement un mari ou un fils qui est passé par là pour goûter le résultat. Et comme je le répète toujours à mes élèves (féminines), le masculin l'emporte sur le féminin. Pauvres femmes qui ne sont pas beaucoup reconnues historiquement dans leurs qualités, car elles sont bien réelles : les cannelés sont un véritable délice !!
Un petit conseil si, par hasard, vous essayez de réaliser cette recette magique : n'utilisez pas ces vulgaires moules de silicone, mais bien les moules ancestraux des arrière-grand-mères des meilleures canneleuses de l'Aquitaine. Je ne sais pas bien pourquoi, Siou a parlé d'un truc du genre : "c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes", mais si j'avais eu de si bonnes soupes dans ma jeunesse, je serais beaucoup plus grand à l'heure qu'il est. Mais voilà que je parle encore de moi, ma taille ne vous intéresse guère... Et si ça vous intéresse, eh bien ça ne vous regarde pas !
La dernière cartablienne présente, dont je ne vous ai pas encore parlé, est Lucille. Avec deux ailes. La sacré Lucille voulait déjà déguerpir, sous prétexte d'un rendez-vous très important, alors que nous avions à peine goûté les savoureux cannelés trempés dans des doigts de Jean Bart. Problème : nous n'avions pas encore fait notre photo de groupe, et quelques-uns d'entre nous s'étaient absentés pour une petite commission (prenez ce terme au sens propre ou au sens figuré, les deux sont exacts).
Imaginez dès lors le branle-bas de combat que ce fut dans le parc de la Villette ! (Mam, inutile de demander à ton homme l'origine de cette étrange expression, il n'y a rien d'agricole...). Les pique-niqueurs que nous étions, auparavant d'apparence assez calme, s'étaient soudain levés, et cherchaient en vain à retrouver leurs brebis égarées. Une gentille demoiselle, réquisitionnée au nom de l'Education Nationale, avait en effet accepté d'appuyer sur les boutons des 14 appareils-photos déposés délicatement dans l'herbe... mais à 11 modèles, cela faisait désordre. Heureusement, de loin, après avoir demandé maintes et maintes fois "Sally, ne vois-tu rien venir ?", un cri de joie de la part de Lucille qui redoutait de devoir apparaître sur des photos montées retentit : les disparus revenaient (tiens, on pourrait faire un bon téléfilm le samedi soir : 14 cartabliens, perdus dans le parc de la Villette, oubliés du monde...).
Clic, clac, merci Kodac... (Kodac, c'est pas une pub, c'est le pseudo de la jeune fille qui nous tirait les portraits... son vrai nom étant Coralie Dakota. J'ai de la chance, elle m'a laissé son numéro de portable, ça pourra me servir pour la prochaine fois que je pars en vacances avec des amis et avec mon appareil-photo). Elle y a mis beaucoup de coeur pour prendre 14 fois trois photos... Je laisse quelques secondes aux matheux pour nous calculer cela : on décompose mentalement, 14 en 10+4. Dix fois 3, c'est 30, auquel on ajoute 4x3 (12 je pense). Cela donnerait un total de 42 photos... Si quelqu'un a trouvé un autre résultat, qu'il n'hésite pas à partager sa technique opératoire (vive la pédagogie de la confrontation...).
La dernière photo (la 42e) était à peine prise que Lucille avait déjà disparu. Ce départ fut tellement rapide que je la soupçonne de se déplacer comme Samantha dans ma sorcière bien-aimée (pour ceux qui ne connaissent pas, ou qui font semblant de ne pas connaître, c'est une dame comme vous et moi, enfin plus comme vous que comme moi, qui sait aller du parc de la Villette à son ordinateur d'un seul petit geste magique). La prochaine fois que je pique-nique avec Lucille, je regarderai bien si son nez bouge...
L'émoi général provoqué dans le parc de la Villette par la prise de nos photographies était calmement retombé. Quant à nous, nous étions bien debout. Et voilà, c'est comme dans les bonnes soirées, lorsqu'il y en a un qui dit "oh, demain je dois me lever tôt, je m'éclipse... mais surtout, continuez sans moi", c'est toujours à ce moment là que tous les invités s'en vont... J'ai eu peur, j'ai cru qu'on allait subir le même sort avec le départ de Lucille, mais les autres instits ne devaient pas être des sorcières bien-aimées car elles sont restées debout à papoter encore de longues minutes.
Savourant ces bons moments partagés, j'ignorais encore que deux provinciales allaient troubler la quiétude parisienne...
(à suivre)
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